La Loire, de la pierre de Tuffeau aux embruns de l'océan
Il est des voyages qui suivent le cours d'un fleuve comme un fil d'histoire. La Loire, artère vitale et scène des Rois de France, s'inscrit dans cette lignée. Ce périple invite à ralentir, à descendre son courant depuis les caves de craie blanche de Saumur jusqu'à l'estuaire, où le vin prend le goût salin de l'océan. Une odyssée sensorielle où chaque étape révèle une nouvelle facette de l'âme ligérienne.
La première journée s'ouvre sur une ambiance majestueuse et pétillante, baignée dans la lumière blanche du tuffeau. Cette pierre de craie a servi à bâtir les châteaux et à creuser des kilomètres de caves, berceau des rouges élégants et des bulles cristallines. Le voyage débute véritablement au Château de Brézé. Plus qu'une visite, cela constitue une immersion unique dans l'histoire vigneronne. Son caractère troglodytique, avec des douves sèches creusées à même le roc et ses souterrains révélant un patrimoine viticole ancien, offre un aperçu fascinant du terroir. On peut imaginer les seigneurs des lieux contemplant les vignes environnantes, où le Cabernet Franc s'épanouit, leur verre à la main.
Le parcours quitte ensuite la lumière pour la pénombre sacrée des caves de Saint-Hilaire-Saint-Florent, où les falaises forment un gruyère de galeries. En poussant la porte de la Maison Bouvet-Ladubay, la température chute, l'air sent la terre humide et la promesse du vin. La visite, réalisable à vélo vintage, offre une expérience unique pour apprendre les secrets de la "méthode traditionnelle" avant une dégustation qui réveille le palais. Pour une alternative tout aussi spectaculaire, la maison Gratien & Meyer propose depuis son pavillon Art Nouveau une vue plongeante sur le fleuve.
Pour le déjeuner, dans le centre historique de Saumur autour de la charmante Place Saint-Pierre, le Bistrot de la Place suggère une cuisine de marché vivifiante, une occasion parfaite pour goûter un premier verre de Saumur-Champigny.
L'après-midi se consacre à explorer cette appellation reine des rouges de Loire. Un choix s'offre entre une approche classique au Château de Targé à Parnay, une belle demeure du XVIIIe siècle aux caves creusées à même la roche, ou une vision biodynamique chez Thierry Germain, au Domaine des Roches Neuves à Varrains, où les vins affichent une vitalité hors du commun. Sur la route, un arrêt s'impose à Turquant, village classé où des artisans d'art ont installé leurs ateliers dans les caves.
L'expérience saumuroise n'atteindrait pas son plein sans une nuit sous la roche. L'Hôtel Rocaminori représente un véritable labyrinthe de chambres troglodytiques, et pour le dîner, Les Caves de la Genevraie servent les traditionnelles "fouées", ces petits pains chauds garnis de rillettes ou de fromage de chèvre, dans une convivialité absolue.
Pour le deuxième jour, changement d'ambiance pour plus naviguer entre deux rives et deux expressions du cépage Chenin. Le trajet suit d'abord la sublime Corniche Angevine pour plonger dans la vallée du Layon, berceau des vins d'or. Ici, l'alchimie des brumes et du soleil permet au Botrytis cinerea, la "pourriture noble", de créer des nectars dorés. Une visite au Château de Fesles à Thouarcé, sur le terroir réputé de Bonnezeaux, procure un moment d'émotion, surtout avec la chance de goûter un vieux millésime. Le restaurant Le Chenin à Rochefort-sur-Loire, avec sa terrasse panoramique, constitue l'étape gastronomique idéale pour le déjeuner.
L'après-midi conduit de l'autre côté du fleuve, pour un changement radical. Si le Layon se montre velours, Savennières se révèle soie brute. Sur ces coteaux de schiste, le Chenin devient sec, tendu et d'une incroyable complexité. Le lieu de pèlerinage reste la Coulée de Serrant de Nicolas Joly, pape de la biodynamie, où chaque visite s'apparente à une leçon de philosophie. Le Château
d'Épiré offre une vision plus classique mais tout aussi qualitative de l'appellation, dans un cadre enchanteur. La journée s'achève dans la douceur de vivre d'Angers. Après avoir admiré la monumentale Tenture de l'Apocalypse au château, un verre se prend au bar à vins Le Cercle Rouge avant de dîner dans le quartier historique de la Doutre.
Pour la troisième et dernière étape, une ambiance pittoresque et iodée accompagne vers l'estuaire. Le périple s'achève dans le vignoble nantais, où le paysage s'adoucit et où le vin se charge de la fraîcheur de l'océan. La surprise du voyage porte le nom de Clisson, petite ville aux airs de Toscane avec son château en ruine et son architecture italienne. Cela forme aussi le cœur d'un Cru du Muscadet. Pour le déjeuner, l'ambiance authentique d'une guinguette au bord de l'eau, comme La Cascade, convient parfaitement pour goûter une friture de Loire.
L'après-midi, pour une vision d'ensemble du vignoble, un détour se fait au Château de la Frémoire, ou une visite au Château de la Cassemichère à Vertou, l'un des plus anciens domaines de la région.
Le voyage se conclue à Nantes, capitale du vignoble nantais. Un dernier verre de Muscadet Sèvre et Maine s'impose dans une des caves à vin du quartier Bouffay, puis un dîner qui célèbre le mariage des saveurs de la Loire et de l'océan. Le choix s'offre entre une table réputée du centre-ville avec des accords mets-vins locaux, ou une flânerie le long des quais de la Loire pour s'attabler face au fleuve.
Ce périple, idéal au printemps pour la beauté des paysages ou début septembre pour l'effervescence des vendanges, laissera en mémoire le goût de ses découvertes et l'envie de rapporter, plus que du vin, un peu de l'âme de la Loire.