Eclairages intemporels

Au départ, une opération nationale qui vise à remettre en lumière le patrimoine d'enluminures méconnu et souvent confiné dans les réserves des musées français. En décidant de s'emparer de l'opération les équipes du Palais de Beaux-Arts de Lille eurent rapidement envie de confronter cet art ancien et riche à des propositions modernes. Pour servir d'écrin à cette rencontre, c'est à des étudiants architectes qu'il a été demandé d'imaginer une muséographie capable de concilier les deux approches. Un pari gagnant concrétisé par une exposition qui, loin de séparer ou de confronter les approches et les arts, tend plutôt à les rassembler en une alchimie délicate mais diablement efficace.

En effet, les équipes du musée menées par des commissaires complices et très ouverts d'esprit ont choisi de juxtaposer les œuvres des enlumineurs et celles de Jan Fabre. Puisant parmi un vaste fonds d'oeuvres sorties de collections privées et sauvées souvent par des musées méconnus et venant d'endroits très différents (du Nord mais aussi au-delà), les commissaires ont cherché à présenter la grande variété des livres enluminés existants. Livres théologiques ou liturgiques, livres d'heures... Classées par thématique, les œuvres se laissent découvrir dans une pénombre qui répond à la profondeur du vert utilisé pour colorer la salle. L'éclairage parcimonieux mais bien dosé laisse les œuvres sortir de l'obscurité. Aux côtés des enluminures, les œuvres de Jan Fabre se fondent subtilement dans un décor qui sied parfaitement à une rencontre entre l'ultramoderne et l'ancien.

Aux peintures et aux dessins minutieux et colorés, répondent les œuvres de métal doré de la série Chalcosoma, puisant leur inspiration dans l'art médiéval ou flamand. Tortues, épées ou masques d'insectes font écho aux pages des livres anciens au fil d'une déambulation entre le thématique et le sensible. Sans que l'une ou l'autre des composantes de l'exposition ne se parasite jamais, le parcours invite plutôt à une mise en perspective soutenue par une scénographie très soignée, de quoi passionner les amateurs et attirer les simples curieux. D'autant que dans l'atrium, l'Hommage à Jérôme Bosch au Congo, du même Jan Fabre pose une ambiance des plus originales, autour d'un détournement de l'art colonial et hommage au maître flamand. Au passage, la galerie de vanités, dont certaines réalisées pour l'occasion par l'artiste achève d'habiller l'atrium, une double réussite.