Si vous voulez voir de jolies sculptures représentant les bons Inuit dans leur vie quotidienne traditionnelle : passez votre chemin ! L'exposition au musée de Cambrai s'attache à l'art inuit contemporain. Et ça ne la rend que plus intéressante !

En 1976, Claude Baud, cardiologue, part enseigner la médecine au Québec. Là-bas, il tombe sous le charme de l'art inuit dont il devient vite un fervent collectionneur. Petite précision, on ne parle pas de ces sculptures pour touristes, produites massivement... Claude Baud collectionne l'art contemporain, mettant en place une structure permettent de faire le lien avec les maisons de vente, les pièces inuit ne s'exportant pas sans contrôle. Aujourd'hui, à l'occasion des 400 ans de la naissance de la ville de Québec et dans le cadre du jumelage entre Cambrai et son homologue québécoise Châteauguay, le musée nordiste permet de découvrir les plus belles pièces du collectionneur, ce médecin passionné, et on le comprend ! Dès l'arrivée dans la salle d'exposition, on a le souffle coupé, accueilli par un impressionnant corbeau, sculpté dans un os de baleine fossilisé, lourd matériau extrêmement fragile, aérien. Le corbeau qui a porté la lumière à l'homme, séparé le bien du mal. Une ambiance particulière, indéfinissable s'installe... Les sculptures, les gravures parlent du monde des esprits, des esprits qui sont partout, et un peu autour du visiteur, émerveillé par cet univers fantasmagorique. « Le Chaman, l'homme au tambour, fait le lien entre le monde de l'homme et celui des esprits. Ces oeuvres véhiculent les valeurs du peuple inuit, tout en recherchant la beauté, l'esthétique, la ressemblance. En langue inuktikut, le mort art n'existe pas, on parle de ressemblance, pas forcément physique, mais de l'idée, de l'esprit », explique Marieke Rollandi, médiatrice culturelle devenue experte en art inuit.

Une exposition qui ne laisse pas de glace !


La suite de la visite présente, après les oiseaux, le monde des animaux terrestres, comme le nanouk, l'ours blanc, ou l'impressionnant morse. Une sculpture dans une vertèbre de baleine montre un combat (une embrassade ?) entre un chasseur et un ours blanc, relation à la fois conflictuelle et fraternelle, « une vie en équilibre avec la nature. » A côté, le chasseur laisse place à la femme, mère, gardienne du foyer... « Le quotidien des Inuit a beaucoup changé. En 1999 était reconnue l'indépendance du Nunavut, pays inuit : l'art a contribué à l'affirmation culturelle et nationale. Inuit, ça veut dire les gens, un mot déjà au pluriel ! » Les oeuvres viennent du Canada et du Nounavout, des années 70 à aujourd'hui. Une quarantaine de sculptures, dans de la pierre à savon, de la pierre verte, de l'andouiller, corne de caribou, de l'ivoire de narval ou des os de baleine, rarement en bois, et une trentaine de gravures aux dégradés sublimes, qui ne laissent pas indifférents, d'abord pour leur beauté artistique, mais aussi pour ce qu'elles nous montrent, et nous font ressentir... Une évasion totale dans le Grand Nord !

Voyage dans le temps


Pour ceux qui réussiront à revenir sur terre, le reste du musée réserve aussi de belles surprises, un musée créé en 1892, dans un hôtel particulier, aujourd'hui agrandi grâce à une partie contemporaine très réussie, qui donne envie de se perdre dans cet écrin qui renferme quelques bijoux, des noms comme Rodin, Ingres ou Camille Claudel. « Nous n'avons que quelques grands noms, mais nos oeuvres permettent au public un parcours du 17ème à aujourd'hui, chaque pièce renferme une époque, montrant l'évolution de la peinture, de la sculpture, de la plus classique à la plus contemporaine », résume notre médiatrice culturelle. Un voyage dans le temps très agréable, avec également une partie, dans les caves voûtées sur le patrimoine de la ville. Un musée où l'on peut facilement passer une demie-journée, malheureusement un peu méconnu, qui vaut pourtant le déplacement !