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Le rock énervé et engagé de [no is innocent]

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Le groupe de rock français, aussi sincère qu'à ses débuts en 1994, a sorti en mars un nouvel opus intitulé Frankenstein, et sera prochainement en concert dans les Hauts-de-France. Kemar, chanteur et leader des « No One » revient sur la tournée et l'album.

Sortir : Vous donnez beaucoup sur scène à votre public. Comment se passe cette nouvelle tournée ?

Kemar : La tournée se passe bien. Il y a du monde et de l'interactivité avec les gens. Dès les premières dates on a trouvé notre rythme. On s'est rendu compte que, peut-être pour la première fois dans l'histoire du groupe, on a une setlist qui nous fait vraiment décoller et qui, en même temps, emmène les gens dans trois univers différents, ce qui nous enchante plutôt. Le démarrage est très ADN de No One, c'est-à-dire assez rythmique, assez Rage against the Machine dans l'état d'esprit. À un moment donné, on joue deux titres de Frankenstein, un peu plus sombres, toujours assez rythmiques, mais qui les emmènent ailleurs. Après, on revient avec quelques anciens titres qui ont marqué l'histoire du groupe comme La Peau ou Chile, des morceaux un peu référence. C'est un mix entre des morceaux de Propaganda, des morceaux de Frankenstein et une revue d'anciens titres.

 

Sortir : No is innocent est souvent présenté comme le dernier vrai groupe de rock en France. Ce titre vous convient-il ? Comment vous définissez-vous ?

Kemar : Non elle ne nous convient parce que c'est oublier tous les autres groupes de rock qui sont en tournée, qui sortent des albums, qui remplissent aussi des salles, qui ont un public et leur propre identité. On fait peut-être partie des groupes majeurs du rock français, sans en être l'unique représentant. Nous, on se situe, avec notre rock énervé et avec nos textes engagés, comme un groupement qui depuis maintenant une vingtaine d'années trace sa route sans forcément passer par les gros médias, avec une authenticité qui est reconnue par les gens qui nous écoutent et qui viennent nous voir en concert. Je pense qu'on oublie souvent qu'il y a encore des groupes de rock en France qui tournent, qui attirent beaucoup de monde et qui n'ont pas besoin d'être chez Ruquier. Il y a un public fidèle qui se reconnaît dans cette musique et dans ces textes.

 

Sortir : Parmi les groupes dont vous parlez, lesquels suivez-vous particulièrement ?

Kemar : Il y en a beaucoup qu'on apprécie, qui font un peu partie de notre famille. Je pense principalement aux Tagada Jones de Rennes, aux Mass Hysteria, nos potes de Paris. Après il y a d'autres groupes, plus jeunes, qui viennent d'arriver, comme des petits punks bien énervés, qui tournent beaucoup, qui font parler d'eux, qui s'appellent les Pogo Car Crash Control.

 

Sortir : Votre nouvel album Frankenstein, porte le nom du héros de Mary Shelley, qui, dans le roman, donne naissance à une monstrueuse créature, pourquoi ce titre ?

Kemar : On a appelé l'album comme ça parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait à peu près cinq titres qui faisaient référence à la création du monstre. Pour nous, c'est parler de Donald Trump, de ceux qui reviennent de Syrie, encore des dégâts de la finance, d'évoquer l'ingérence occidentale au Moyen-Orient, qui nous a envoyé comme boomerang AQMI, Daesh et tous les autres. Au fur et à mesure de l'écriture, on s'est dit qu'il y a pas mal de créations de monstres. Ça peut être le créateur, ça peut être évoquer le monstre en lui-même. L'album est le produit de tout ce qu'on voit, de tout ce qu'on entend. Quand on écrit là-dessus, c'est une espèce de thérapie pour nous. Au lieu de faire n'importe quoi dehors ou dans nos vies privées, on utilise la musique pour le dire et c'est un peu plus pacifique.

 

Sortir : Revenons sur la genèse de l'album, comment s'est déroulé le travail d'écriture ?

Kemar : On avait dans nos tiroirs quelques thèmes qu'on avait envie d'aborder, mais, chez No One, c'est quand même la musique qui, à un moment donné, influence la thématique du texte. Pour donner un exemple, quand on commence à travailler le morceau qui s'appelle Ali (King of the Ring) sur Mohammed Ali, on se rend compte que la partie instrumentale est remplie de droites, de gauches, d'uppercuts, on a l'impression d'être sur le ring. Et puis la disparition de Mohammed Ali il y a deux ans ça nous a touchés parce que c'est un personnage qui a marqué une époque et qui a surtout utilisé sa notoriété pour défendre les droits civiques, pour se battre contre la guerre au Viêt Nam. Il y a une certaine idée de rébellion chez lui et nous, à notre petite échelle, on se retrouve là-dedans : on utilise notre musique et notre notoriété pour dire des choses. L'écriture des chansons, c'est en partie moi, l'autre partie avec un ami, que je connais depuis très longtemps et avec qui je travaille depuis Révolution.com, depuis 15 ans, qui s'appelle Emmanuel De Arriba. Ensemble on écrit en général six textes dans l'album, c'est un ping-pong entre nous deux. On choisit un thème, chacun commence de son côté, puis on se voit pour échanger. On fonctionne comme un vieux couple en fait.

 

Sortir : Vous le disiez, vous êtes un groupe engagé et vous abordez des thèmes forts. Pensez-vous que votre musique peut faire évoluer les mentalités ?

Kemar : Non pas du tout. Enfin oui, quand on débute le groupe, qu'on a 24 ans et qu'on est dans l'utopie, quand on a sorti La Peau, quand face à nous il y a Le Pen à 15% à ce moment-là oui on y croit à fond. C'est ce qu'on dit sur scène d'ailleurs, quand il y avait Le Pen à 15% et des boys bands à la télé, ça donne envie de changer le monde. Mais au fur et mesure, on se rend compte qu'on est simplement un groupe avec une conscience politique et que les gens viennent principalement parce qu'ils aiment notre musique et qu'ils sont aussi un peu touchés par nos textes. Il n'y a aucune prétention à donner de leçons, à changer les mentalités. Il y a peut-être même des gens qui votent Front National et qui viennent nous voir, parce qu'il y a une énergie musicale qui leur correspond. On ne peut pas être à la sortie de chaque concert : « Bon alors, vous avez bien compris ? ». De toute façon, on est trop fatigué après le concert pour faire ça.

Publié le 14/05/2018 Auteur : Propos recueillis par Aurore de Carbonnières

[no is innocent] en concert :

Le 17 mai à 20h30, Carré SAM, Boulogne-sur-Mer, de 6 à 10€, www.ville-boulogne-sur-mer.fr

Le 18 mai à 20h30, Le Métaphone, Oignies, de 6 à 17,5€, 9-9bis.com

Le 9 novembre à 20h avec Tagada Jones, L'Aéronef, Lille, de 19 à 26€, aeronef.fr


Mots clés : rock concert Frankenstein