Sortir : D'où vient le texte de la pièce ?

 

A. Anckaert : Je m'intéresse depuis longtemps à l'écriture anglo-saxonne. Le texte de la pièce est d'une jeune auteure anglaise : Alice Birch. Je l'ai fait traduire. La compagnie étant en compagnonnage avec le Théâtre de Béthune, j'ai trouvé que c'était l'endroit parfait pour prendre un risque et proposer de monter ce spectacle. La pièce aborde la question du féminisme et la manière dont on en parle. En m'intéressant à cette question je me suis rendu compte qu'il recouvrait une réalité multiple et éclatée. Des revendications légitimes y côtoient des revendications extrêmes mais aussi de réelles souffrances et de ombreuses récupérations. Le texte de Birch tente de faire le point sur le féminisme au XXIème siècle. C'est un petit labo, une pièce puzzle qui se décline en de nombreuses séquences pour une forme de narration originale.

 

 

Sortir : La distribution regroupe des talents variés. Qu'est-ce qui a présidé au choix de cette équipe ?

 

A. Anckaert : Je voulais travailler avec des gens avec qui la compagnie n'avait encore jamais collaboré. Du coup je suis allé chercher des gens d'horizons très différents pour construire une aventure commune autour du texte et rencontrer des personnalités différentes. Mounya Boudiaf, Antoine Lemaire, Maxime Guyon et Pauline Jambet y côtoient Benjamin Collier avec qui j'ai par contre l'habitude de travailler pour la musique.

 

 

Sortir : Le texte original a-t-il subi des modifications ?

 

A. Anckaert : Aucune. Il est le fruit d'une longue adaptation et d'une traduction précise de Sarah Vermande. Quand j'en ai parlé avec Cécile Backès (NDLR : la directrice de la Comédie de Béthune), il y a eu un partage de réflexions. Cécile a le goût des écritures contemporaines et elle a très vite été intéressée par notre proposition.

 

 

Sortir : Sur le fond : est-il aisé de mettre en scène une pièce sur le féminisme ? Quels écueils a-t-il fallu éviter ?

 

A. Anckaert : La force de la pièce, c'est d'être très bien écrite et de reposer sur une succession de séquences relativement éloignées d'une forme classique de narration. Du coup, plutôt que de s'arrêter à des questions qui cristallisent un débat infini, la pièce convoque des tas de situations qui sont aussi des tas d'incitations à la révolution. Il est impossible de dépassionner un débat comme celui-là. La force de la pièce c'est notamment de travailler sur la différence, de pousser à inverser le regard, à regarder différemment la réalité, mais aussi de montrer la diversité des féminismes et de leur approche parfois paradoxale. Ce que j'aime dans le théâtre anglais, c'est qu'il est toujours le reflet d'une réalité, et qu'il est souvent drôle. Alice Birch est représentative de l'émergence de nouvelles écritures, et c'est passionnant de travailler sur un matériau nouveau et hétéroclite.

Avec un tel sujet il faut évidemment lutter contre l'illustration. La succession des séquences aide beaucoup et je m'appuie aussi sur la porosité entre les acteurs et le jeu pour nourrir une forme de théâtre « en train de se faire », un théâtre venu du plateau, un théâtre du présent. C'est aussi pour cela que je voulais de la musique au plateau. On chante et on joue de la musique en direct, la puissance de la voix rythme le spectacle à sa façon comme la présence de projection et la diffusion d'incitation à la révolte tout au long du spectacle.

 

 

Sortir : Une pièce révolutionnaire ?

 

A. Anckaert : Révolte est en tout cas une pièce qui, par le prisme du féminisme touche à énormément de choses : les rapports professionnels mais aussi intimes et personnels. La pièce ne propose pas de solutions mais pousse et force la pensée. Elle malmène et déplace les valeurs actuelles, en cela, c'est un théâtre politique qui remet beaucoup de choses en cause et montre une volonté réelle d'aller dans l'arène en secouant beaucoup d'éléments figés et établis.