Imaginez une étrange uchronie dans laquelle des animaux anthropomorphes s'affrontent, s'aiment et complotent dans un univers pas très éloigné de Jules Verne qui a vu Napoléon envahir l'Angleterre avant que celle-ci ne recouvre très récemment un petite indépendance. Dans ce décor de Belle Époque, l'inspecteur Lebrock (blaireau costaud mais raffiné) et son compère Ratzi (presque son opposé, un rat agile) est chargé d'enquêter sur le faux suicide d'un citoyen anglais... qui va le mener au cœur d'un complot politique d'importance.

Furieusement steampunk et habilement rétrofuturiste, le travail de Talbot se fend d'hommages appuyés (notamment aux travaux du caricaturiste du début du XIXème siècle JJ Grandville mais aussi à Conan Doyle, Hergé, Bécassine ou Rupert l'ours) tout en s'appuyant sur un récit très bien senti, mêlant l'ambiance des feuilletons de l'époque à un récit sans complaisance qui plonge dans les arcanes de la corruption et de la politique (et non sans clins d'oeil avec l'actualité). Son Lebrock, pour malin qu'il soit ne s'embarrasse pas de finesse et use sans trop hésiter d'une violence que ne renierait pas le cinéma de Tarantino. Référencé et très abordable à la fois, ce Grandville, par son trait et l'intrigue dans laquelle il plonge le lecteur, mérite une place de choix dans les rayonnages des bibliothèques, d'autant que la version française éditée par Milady graphics s'enrichit (pour le premier tome) d'un cahier spécial de 24 pages dans lesquelles Talbot revient sur ses influences et explicite sa démarche autour de très belles images.