classique

Stéphanie d’Oustrac, la révélation

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Une époustouflante et subtile Carmen est née à l’Opéra de Lille le 11 mai 2010.

C’est dans un décor simple et judicieusement modulable que Carmen, ce monument de l’art lyrique, a conquis le public à partir de sa première représentation le 11 mai à l’opéra, puis le 14 mai lors de sa retransmission en direct par France3 sur la place du Théâtre, une belle opération de sensibilisation à l’opéra que l’on aimerait voir plus souvent. On comprend tout de suite pourquoi Carmen, un des opéras le plus joué au monde, ne fit pas en 1875 - date de sa création à Paris - l’unanimité, car la société bourgeoise bien pensante y est sacrément mise à mal. Un drame se joue sous nos yeux, le seul qui vaille, celui de l’amour chantre de la liberté des femmes face aux hommes et aux normes sociales. Pour cette prise de rôle, Stéphanie d’Oustrac se révèle. Elle est Carmen jusqu’au bout du pétale de fleur qu’elle jette négligemment à Don José, embrasant son cœur et signant ainsi leur tragique destin.

  

Un spectacle magistral que l’on n’est pas prêt d’oublier !

 Beaucoup de mouvements de foule, les hommes sont machos avec humour et affichent une virilité toute hispanique, les femmes respirent la sensualité et l’ensorceleuse Carmencita sait d’une œillade ou d’un léger mouvement de hanche jeter le trouble dans le cœur du timide brigadier Don José pas vraiment hâbleur comme son lieutenant (Renaud Delaigue). L’érotisme qui circule à fleur de peau dans cet opéra électrise le plateau et le public avec.

Jean-François Sivadier dans sa mise en scène a joué en virtuose la carte du clin d’œil à la comédie musicale. Du plus obscur passant aux deux héros principaux, et du chœur, dont il faut souligner la qualité de la prestation, aux enfants de la fameuse «… garde montante... », chaque personnage sur la scène a une place importante, la sienne. Les chanteurs deviennent tous sous la houlette de Sivadier, de merveilleux acteurs et la salle marche à fond d’autant plus que la notion de seconds rôles disparaît tant la qualité de tous les chanteurs fait la cohésion du spectacle. Seul Don José (Gordon Gietz) le soir de la première était plus acteur que chanteur mais il fut quand même très émouvant dans sa fragilité face à l’époustouflante Carmen de Stéphanie d’Oustrac. Jean-François Sivadier a réussi le tour de force de nous tenir en haleine trois heures durant avec une histoire que l’on connaît tous et que l’on a eu ce soir-là l’impression de redécouvrir avec étonnement au détour de chaque note. A partir des stéréotypes des personnages, Sivadier joue sur la simplicité et l’évidence des émotions passées au crible de notre imaginaire et de notre inconscient sur fond d’humour et de légèreté. Jean-Claude Casadesus à la tête de son Orchestre national de Lille propose une partition toute en finesse et en nuance. Il faut dire que le chef a dirigé pas mal de Carmen qu’il a découvert quand il avait vingt ans, mais que celle-ci, grâce une étroite complicité avec Jean-François Sivadier, lui a permis de monter, loin des espagnolades habituelles, la Carmen de ses rêves, celle où l’orchestre porteur de ce « rien de trop » qui caractérise la musique française, est un acteur à part entière du drame.

Publié le 17/05/2010 Auteur : Françoise Objois

Jusqu’au 4 juin 2010, Opéra de Lille. Tél.(0).820.48.9000. www.opera-lille.fr - http://nord-pas-de-calais-picardie.france3.fr
Toutes les représentations sont complètes mais vous pouvez toujours tenter votre chance à 19h30, sinon rendez-vous sur le site de France 3 pendant 6 mois.
 

Direction musicale : Jean-Claude Casadesus à la tête de l'Orchestre national de Lille (Nicolas Krüger les 19 et 27 mai).

Mise en scène : Jean-François Sivadier.

Avec Stéphanie d'Oustrac (Carmen), Gordon Gietz (Don José), Olga Pasichnyk (Micaëla), Jean-Luc Ballestra (Escamillo), Eduarda Melo (Frasquita), Sarah Jouffroy (Mercedès), Renaud Delaigue (Zuniga), Régis Mengus (Moralès), Loïc Félix (Le Dancaïre), Raphaël Brémard (Le Remendado), Christophe Ratandra (Lillas Pastia).

Le Choeur de l'opéra de Lille, les enfants du Choeur maîtrisien du conservatoire de Wasquehal.

 

Mots clés : classique