théâtre

Antinéa

Antinéa (2018)
Entourée d'un orchestre d'une quinzaine de petits squelettes musiciens qui se démènent sur leurs instruments, une femme se dévoile. De mélodies enfantines en litanies envoûtantes, laissez-vous porter, transporter par une musique à la fois étrange et inédite qui accompagne un rite de passage singulier entre la vie et la mort.

Création 2018 / Cendres la Rouge de Métalu A Chahuter

De mélodies enfantines en litanies envoûtantes, laissez-vous porter, transporter par une musique à la fois étrange et inédite qui accompagne un rite de passage singulier entre la vie et la mort. Entourée d’un orchestre d’une quinzaine de petits squelettes musiciens qui se démènent sur leurs instruments, une femme – Antinéa – se dévoile. Entre pudeur apparente et foisonnement intérieur, elle livre les émotions du cœur et les émois du corps, elle dit la puissance de l’imagination capable de transcender les mondes. Un voyage à la lisière de l’intelligible et du sensible, jusqu’aux portes de la folie.

 

INTENTIONS ARTISTIQUES

Des musiciens en os

L’os nous constitue et fait partie de nous. Caché, recouvert de chair puis de peau, invisible mais discernable, mystérieux et secret. Cette matière est tout sauf neutre et ne laisse pas indifférent. S’il symbolise la mort, le squelette est aussi étroitement lié à notre intériorité. C’est cette intimité que nous cherchons à mettre en valeur, veillant à privilégier un rapport de proximité entre les spectateurs et les squelettes.

La musique produite par les automates est de fait inédite puisqu’ils jouent sur des instruments bricolés : petits pianos mécaniques, pseudo-guitares, batterie de peaux tendues, tiges métalliques frappées, cordes frottées, voix numériques... Elle donne à entendre une riche palette de couleurs sonores, permettant de voyager entre deux pôles : intimiste et chambriste d’un côté ; énergique et orchestral de l’autre, afin de révéler la tension propre au personnage d’Antinéa.

 

Des écrits bruts

À l’instar d’un « album concept », le concert-spectacle Antinéa constitue une œuvre cohérente et narrative. Les extraits choisis, pourtant issus d’auteurs multiples, racontent l’histoire d’un seul et même personnage fictif. Les écrits – dits bruts par analogie avec la notion d’art brut définie par Jean Dubuffet – proviennent d’hommes et de femmes ayant passé un temps plus ou moins long dans un hôpital psychiatrique. En marge de la littérature, à la frontière même de la langue, ils font preuve « d’une désinvolture inventive dans l’ordre du langage » selon Michel Thévoz. Ils n’ont pas été construits, pensés au sens littéraire, mais sont comme tout droit sortis du corps de leurs auteurs.

Ce qui nous porte, c’est la beauté de ces textes dans toute leur étrangeté et par-delà leur compréhension intellectuelle. Une écriture du dedans, viscérale, un jaillissement. Et c’est cela que nous souhaitons porter sur la scène pour le public.

 

Un entre-deux mondes

Antinéa est-elle morte ? A-t-elle conscience de sa mort ? Va-t-elle au contraire se réveiller parmi les vivants après un passage dans un hypothétique au-delà ? Ou est-elle face à un choix : elle peut, si elle le souhaite, rejoindre le pays des vivants ou se laisser guider par les psychopompes venus la chercher ? Les petits squelettes qui composent l’orchestre seraient alors, tels des passeurs, des êtres dont la tâche est de conduire les âmes des personnes récemment décédées ? Ou bien sont-ils une pure matérialisation de son esprit fécond ?

C’est dans ce contexte qu’Antinéa se présente à nous, mue par la nécessité de chanter au monde son monde intérieur. Elle s’est dégagée des contingences terrestres, comme on enlève sa peau ; elle se libère de la chair pour ne plus vivre que par l’esprit. Elle a trouvé l’unité de son être en se créant un royaume d’ordre cosmique. Une joie profonde, proche de l’illumination, émane d’elle. Elle irradie. « Ma conscience crie plus fort que ma chair. » (Aloïse Corbaz)

Publié le 05/02/2018