Le Nord, il l'aime. Il en goûte les saveurs et les plaisirs à chacun de ses retours. S'il l'a quitté, c'est pour mieux l'écrire et le décrire car Francis Delabre aime en dévoiler les richesses dans des textes d'une richesse très ancrée dans le territoire.
Géants d'abord est un livre bien singulier. À l'origine, une commande de la Cie roubaisienne La Pluie d'Oiseaux en lien avec la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, une sorte d'expérience qui permet depuis trois ans à Francis Delabre de s'imprégner quelques jours durant, en binôme avec un plasticien, d'un territoire et d'une ville pour, à l'issue d'un travail d'échange avec les habitants, en donner une lecture littéraire. Aux jours de rencontres et d'ateliers avec la population succèdent des textes tour à tour poétiques, théâtraux ou plus ordinaires mais tous empreints d'un réel attachement pour une région et des lieux que l'auteur aime à découvrir et apprend à aimer, le tout autour de l'idée de la création de géants locaux. Pour l'instant compilé dans un simple recueil faisant le bilan des échanges accomplis, ces textes méritent largement qu'on s'y plonge pour découvrir à la fois la plume de Francis Delabre et l'étonnante variété des propositions et des éclairages réalisés au cours de ces échanges. Une édition compilée des différentes productions de ces résidences devrait voir le jour en 2010 à la conclusion du projet.
En attendant, les plus curieux pourront toutefois se tourner vers Capenoules !, autre versant du travail de l'auteur à paraître d'ici quelques mois et qui, au détour d'une promenade au coeur de la braderie de Lille invite à replonger dans la mémoire des Capenoules. Un travail de mémoire collective autant que de retour aux années de fièvre et d'effervescence de la bande de Biloute, Raoul de Godewaerslde, André Dekooninck, Roger Frézin et toute leur clique de joyeux lurons. Un parcours accompli récemment par l'auteur lui-même à la rencontre des membres du groupe pour en exhumer l'histoire et la mémoire. Pas de nostalgie mal placée ici, plutôt un regard en arrière aussi bien destiné à rafraîchir la mémoire de ceux qui ont vécu de près ou de loin cette aventure qu'à présenter aux plus jeunes lecteurs ce qui est devenu au fil du temps une institution du patrimoine intangible mais inoubliable du Nord. Le tout se dévore avec une simplicité évidente et un plaisir consommé, comme une petite promenade dans un chemin dont on se remémorerait les contours tout en en ayant oublié les couleurs. Une avant-première de l'ouvrage existe déjà, pour le volume complet, il vous faudra cependant patienter quelque peu.
Francis Delabre à propos de son travail
Sur Géants
« Ce qui m'intéresse, c'est de travailler avec les gens, de replonger dans ces vies ouvrières. Comme par exemple celle de ces mineurs à la retraite, mi-polonais, mi-français : tout cela est riche de mémoire et d'enseignements. On glane des bribes de vie par notes ou enregistrements autour de rencontres avec la grande diversité des habitants. C'est un travail passionnant mais qui nécessite de l'organisation. J'ai peu de temps pour écrire à l'issue de la résidence, mais heureusement j 'ai souvent une matière plus qu'abondante ! »
À propos de Capenoules !
« Cela fait partie du patrimoine de la région. Je l'ai quittée en 1996. Avec le recul, je suis de plus en plus amoureux du Nord-Pas de Calais. J'ai connu les Capenoules à l'époque, pour certains d'entre eux, du coup, c'était un plaisir pour moi que de me replonger dans toute cette aventure. Je suis parti retrouver les survivants, et à chaque fois, j'ai partagé des moments forts avec eux en faisant ma récolte d'anecdotes. Je n'avais pas envie que ça prenne la fome d'un récit historique et académique d'autant que les Capenoules c'était un gros canular à l'origine. Du coup, j'ai plutôt eu envie de partir d'un point de départ aussi détaché de tout cela et le choix de la braderie de Lille m'est apparu naturel. En écrivant tout cela j'avais l'odeur des moules et des frites dans le nez.
Les mots coulaient tous seuls, comme de la bière ! »
