Le ciel ignore les murs…

De la génération des anciens qui a connu tous les drames politiques générés par la Guerre Froide, aux jeunes artistes lituaniens nés au moment de l’écroulement de l’URSS et de la chute du mur, quel point commun ? Europe XXL offre à la toute jeune galerie Corvo-Gabourg, l’occasion de faire un point sur la question en réunissant dans une même exposition Richard Rapaich, Edouard Trémeau et un collectif d’artistes lituaniens autour de 3 périodes charnières pour l’Europe, 1956, 1989, et 2004. En 1956 Richard Rapaich a 19 ans. Il vit à Budapest et devient le témoin de la Révolution hongroise. Le jeune Richard photographie avec frénésie, il dessine aussi, sans se rendre compte que 50 ans plus tard, ses dessins et photographies auront valeur de documents. Depuis, la mémoire est à l’œuvre. Intériorisée, elle irrigue profondément son travail artistique. Avec une simple mine de plomb ou quelques bâtons de pastel, Richard Rapaich le perfectionniste, poétise la réalité avec un luxe de détails digne des maîtres anciens. 

En 1989, le peintre Edouard Trémeau est déjà un habitué de Berlin, une ville qui le fascine, avec ce Mur en son milieu, cette cicatrice de l’histoire, qui l’attire comme un aimant. Puissance des formes puisées dans ses thèmes de prédilection que sont l’antique, le baroque et le classicisme. L'univers pictural aux tons sourds d'Edouard Trémeau est peuplé de lourdes et menaçantes colonnades et de coupoles baroques en écho à des miradors pointant vers le ciel. Il peint le Mur avant sa chute, la Porte de Brandebourg sous toutes ses coutures, sensible à la puissance aussi bien architecturale que symbolique du lieu. Et puis voilà ces fameux « Rhinocéros », ceux du Zoo de Berlin, sorte de métaphore d’un peuple enfermé dans sa ville. Edouard Trémeau est un peintre d’histoire comme on n’en fait plus, un peintre pour qui la peinture est une autre manière  de faire de la géopolitique. Notons que ses collages sur le Mur de Berlin sont exposés ici pour la 1ère fois.

En 2004, l’Europe s’élargit et accueille les Pays Baltes. L’enfance de ceux qui sont nés dans les années 80 s’en est trouvée changée et les 8 artistes lituaniens, tous photographes, présentés ici nous livrent le portrait d’une jeunesse qui a laissé de côté les combats des aînés pour se consacrer à la mise en valeur du quotidien.