Mue imaginale, spectacle total

Une scène presque nue, une guirlande qui trace un rectangle de lumière, quelques rideaux de plastique et peu d'effets de lumière. Il n'en faut guère plus, après plus d'un an et demi de compagnonnage, d'échanges et de travail commun avec le metteur en scène Cédric Orain pour, le temps d'une grosse heure, transfigurer des acteurs au fil d'iun spectacle qui tient autant du morceau de bravoure scénique que du voyage initiatique. Puisant dans différents textes de l'auteur adepte d'une trituration du langage, de ses implications, de son pouvoir et de son lien indéfectible avec les comédiens qui le portent, le prononcent et le vivent, Cédric Orain compose pour sa petite troupe d'adoption, un délicat patchwork de textes qui tous, interrogent tour à tour la force du langage et le rôle du comédien.

Répétitions, intermèdes musicaux, logorrhée verbale et moments de frénésie physiques s'enchainent, comme des morceaux de bravoure (duo mémorable sur le 'dire du texte', sidérant monologue de l'infini romancier, affrontements d'annonceurs...). Ce n'est pourtant pas dans la surenchère que le spectacle trouve sa force, mais en creux, dans l'écho discret et pourtant puissant que les mots choisis par les comédiens et le metteur en scène génèrent avec leurs corps, leurs gestes et leurs natures. Point de masques, dans le silence final et la posture des corps de deux hommes et trois femmes nait une vérité forte que seuls un investissement complet et un don total pouvaient générer. Souvent les spectacles créés avec les comédiens de l'Oiseau-Mouche approchent cette singularité et cette force, rares sont ceux à avoir su l'évoquer avec tant de pertinence. Une superbe chrysalide, de celles qui ne laissent aucun spectateur intact.