Autobiographie engagée : Écriture simple et généreuse, pas alambiquée ou prétentieuse, à l'image de son auteure, Chekeba Hachemi : L'Insolente de Kaboul (Anne Carrière, 18,50€) se lit d'une traite. On rencontre Chekeba dans les montagnes, une enfant les pieds ensanglantés qui fuit son pays, l'Afghanistan, suivant à un rythme effréné, terrifiée, un redoutable passeur. Mais, déjà à 11ans, la petite fille s'illustre par une volonté de fer, et un culot monstre, que l'on retrouve au fil des pages. Puis c'est l'arrivée en France, dans un pays qui n'a pas idée de la situation en Afghanistan, mise en lumière seulement en 2001, avec les attentats sur le sol américain. La jeune fille de bonne famille, née à Kaboul en 1974, s'entasse avec sa famille dans un petit appartement de banlieue parisienne, complètement dévouée à sa mère, à ses frère, et, en même temps, ce qui n'est pas une mince affaire, brillante étudiante. On parcourt avidement la vie de cette jeune femme incroyable, engagée, qui livre ses impressions telles quelles. Notre héroïne va devenir la première femme afghane diplomate à Bruxelles, rencontrer le commandant Massoud, créer des écoles en Afghanistan, où elle retourne régulièrement. Une précieuse autobiographie.

Témoignage : Dans son Journal (1918-1920) (Éditions des Syrtes, 23€), Nelly Ptachkina livre un récit très introspectif, intime. La construction d'une adolescente russe, d'une rare maturité, qui devient femme. Dans le même temps, l'ouvrage propose un regard indispensable sur la (dé)construction de la Russie entre 1918 et 1920, les bouleversements historiques en cours, la guerre civile en Russie, les conflits soviéto-polonais, la fuite à Kiev dans l'éphémère République d'Ukraine. Et, pour échapper aux violences, aux progroms qui enflent en Ukraine, la préparation, déchirante, du départ vers Paris. Nelly décrit également l'évolution du mode de vie des familles, s'interroge sur le rôle des femmes et les inégalités sociales, sur l'antisémitisme en pleine expansion qui la révolte. Un témoignage puissant, admirablement construit, entremêlé d'introspection, l'éclosion d'une jeune femme devenue témoin historique. Dans les années 20, en Russie, sa mère édite ce Journal, laissé par sa fille, tombée dans une cascade au pied du Mont-Blanc, à l'âge de dix-sept ans. Incroyable témoignage posthume, à lire au coin du feu, ce qui n'empêche pas de ressentir quelques frissons...

 

Saga familiale : Née en 1969 dans la province de Negros Oriental aux Philippines, Lakambini Sitoy vit désormais entre Manille et Copenhague. Cette femme de lettres et journaliste politique a reçu de nombreux prix, assurant sa renommée jusqu'en Occident. Aujourd'hui, la publication en France des Filles de Sweethaven (Albin Michel, 23€) est une première. Nous sommes là, au cœur de la respectable communauté d'universitaires de Sweethaven, au sud des Philippines. Un milieu fermé et bien-pensant, menacé d'explosion lorsque des images de Naia, 15 ans, dénudée, circulent sur le net. Naia, élevée par ses grands-parents enseignants, et sa tante : sa mère, Narita, a abandonné cette fille illégitime pour faire carrière à Manille. Mais, face à ces événements, Narita revient, et pourrait bien faire voler en éclats une communauté pleine de conservatisme et d'hypocrisie. Trois générations, trois regards de femmes sur la société philippine, corsetée dans ses traditions.

 

Eve Ensler : ce nom ne vous dit peut-être rien. Mais vous avez certainement déjà entendu parler des Monologues du vagin, pièce de théâtre jouée dans le monde entier, succès planétaire comme on dit. Le second ouvrage de cette féministe convaincue, créatrice du mouvement V-Day, luttant contre les violences faites aux femmes, est, bien entendu, déjà best-seller. Cette fois, Eve Ensler a parcouru le monde entier, pour se glisser dans la peau des adolescentes d'aujourd'hui, livrer des paroles de femmes, réelles ou imaginaires, vibrantes, autant de petits récits prenant des formes très diverses. Poèmes, dialogues, monologues, introspections, parcourent la condition féminine aujourd'hui, à lire d'une traite, ou à picorer. Ce que les filles aiment, préfèrent, pourquoi c'est dur d'être une fille, et une fille bien, ce qu'elles aimeraient dire à leur mère, c'est quoi être une fille en 2011 ? Des portraits émouvants entre-coupent ces questionnements, une jeune fille fabriquant des Barbies en Chine, une Israélienne devant le mur, une jeune Égyptienne récite la litanie des choses qu'elle n'a pas intérêt à faire... Des récits vibrants introduits de faits, froids, implacables : « En Afrique, chaque année, près de trois millions de filles risquent de subir une mutilation génitale. » « On estime à cent millions le nombre de filles victimes du travail des enfants dans le monde. » « Les filles entre 13 et 18 ans représentent la tranche d'âge la plus importante de l'industrie du sexe ». Je suis une créature émotionnelle (10/18, 15,90€), un joli appel aux femmes, et aux hommes, à respecter les droits, et les émotions, de chacun(e).

 

Regards croisés sur la Seconde Guerre mondiale : Deux auteures, Élise Fischer et Geneviève Senger, pour deux personnages de femmes, forts et troublants, récit polyphonique que Les larmes et l'espoir (Presses de la Cité, 21€). Esther, enfant adoptée d'origine juive, grandit avec Magda, élevées comme des sœurs par le Général von Ehrenberg. Mais bientôt, les deux inséparables vont prendre des chemins divergents. Magda ralliant les nazies, Esther, la résistance. Londres, Paris, Les Cévennes, nuit de cristal et bataille de Berlin, les deux femmes, qui restent liées malgré tout, portent deux regards sur le conflit, des deux côtés de la barrière.

 

Succès : Un petit mot sur Les Morues, de Titiou Lecoq (Diable Vauvert, 22€), qui rencontre un franc succès. La journaliste imagine un récit haletant, souvent très drôle, parfois terrible, une histoire de filles, sur fond de polar et de politique. Quatre personnages attachants, parfois un peu énervants, assez représentatifs des maux de notre époque, se débattent tant bien que mal dans leur quotidien, en essayant de résoudre un mystère. Si vous n'avez pas encore adhéré à la bande des Morues, lancez-vous !