Retour à la terre et faux coupable

A l'image de son titre que l'on peut prononcer de bien des façons, On s'embrasse pas ? est une comédie dramatique qui cache bien son jeu. Le narrateur, après avoir pensé que chez le voisin (surtout s'il était lointain) l'herbe était plus verte, a soudain eu très envie de revenir chez lui. Enfin, chez eux. Chez ceux qu'il faut bien appeler « la famille ». 15 ans qu'il est parti. Les retrouvailles s'annoncent difficiles. Son père est mort et sa mère a vite fait de lui faire porter le chapeau (« il t'a tant attendu... »). Sa soeur recueille tous les chiens abandonnés (en pensant à ce frère qui est parti sans rien dire...). Plus de dix clébards qui hurlent à chaque fois que l'on s'approche de la grille. Le reste est à l'avenant. Terreux, triste, sale. La vie, si jamais il y en eu dans le coin, a dû partir plus loin, ou s'arrêter avant ce village.
Mais le narrateur n'est pas décidé à fuir de nouveau, encore moins à se laisser marcher dessus. Guerre ouverte et verbale en perspective. C'est peut-être là que Michel Monnereau se fait le meilleur dans un texte sec qui se mue peu à peu en une histoire moins rude, moins rêche. On se laisse prendre par plusieurs scènes vraiment réussies.

Un crime dans le quartier, le roman de Suzanne Berne, n'est pas un roman policier contrairement à ce que son titre indique. C'est bien pire et donc passionnant.

Marsha se souvient. Elle se souvient de la petite fille qu'elle était en 1972, lorsque son père s'est tiré avec la plus jeune soeur de sa mère, les plantant là elle, sa mère, son frère et sa soeur; Elle se souvient aussi que cette année-là, monsieur Green est venu s'installer dans le quartier, qu'il y a eu un affreux crime et qu'elle était la seule à connaître le coupable. Enfin, c'est ce qu'elle pensait à l'époque et, incapable de se rendre compte que c'est l'amertume qui la faisait agir, elle a tout fait et presque tout dit, pour que monsieur Green soit accusé. Problème, 20 ans plus tard, Marsha sait parfaitement qu'elle a accusé à tort un innocent et son regard, celui de la narratrice, pose un grand nombre de questions sur la parole des enfants. Le résultat est tendu comme un thriller et fin comme une analyse psychologique. Remarquable.
Ce livre a d'ailleurs obtenu l' « Orange Prize » qui récompense chaque année un livre de langue anglaise écrit par une femme, quelle que soit sa nationalité.