Sous le volcan

Un consul anglais à la conscience hallucinée, un Mexique corrompu et miséreux, un monde au bord de l’implosion, une femme qui tente de sauver un homme gangrené par un goût immodéré pour la tequila et le mezcal, cette histoire commence mal et finira très mal. Pour écrire S", publié en 1987 et considéré comme l'un des meilleurs romans de la littérature moderne, Malcolm Lowry a trempé sa plume dans l’alcool fort et la dépression qu’il vécut lui-même lors de ses deux années passés au Mexique (1936-1938). Écrit avec ses tripes et la force de l’expérience vécue, ce roman de l’amour impossible, de la haine, de la mort et de la déchéance, est pour la première fois porté à la scène par Guy Cassier dans une adaptation de Josse De Pauw. 

Toute l’action est concentrée à Mexico en une journée, celle de la Fête des Morts le 2 novembre 1939. On ne peut rêver au théâtre meilleure utilisation de la vidéo, jeu de déconstruction envoûtant mêlant flous et transparence pour mieux tourner la tête du spectateur - comme une bouteille de mezcal - et le plonger dans un infernal huis clos où le Mexique, personnage à part entière, contribue à la folie de ce quatuor d’européens paumés au bout d’un monde étrange. Sur fond d’images vidéo, miroir des états intérieurs des personnages, les acteurs - tous remarquables - jouent cette histoire pathétique de l’incommunicabilité et d’un homme amoureux fou de sa femme qui l’a quittée et qu’il n’arrive pas à faire revenir, à la manière d’un delirium en crescendo continu jusqu’au paroxysme du drame final. Le jeu minimaliste et incarné de Josse De Pauw (le consul), Katelijne Damen (sa femme), Marc Van Eeghem (frère du consul) et Bert Luppes (ami d’enfance du consul) mis en abyme par l’image, commenté et intériorisé, fait de la mise en scène de ce chef d’œuvre littéraire un objet théâtral fascinant.